La flûte enchantée [suite]

La facade des box était particulièrement éclairée par le soleil, et quoiqu'il ne fut pas extrêmement sensible, Gaspard dû plisser les yeux avant de pénétrer dans la bâtisse.

"Attention à vous Phoebe..." Dit-il tandis qu'ils entraient des l'établissement obscur. En effet, le contraste avec les luminosité extérieures les rendait presque aveugle et ils durent attendre quelques secondes avant de pouvoir distinguer quelque chose.

Un miaulement agressif leur parvint sur leur gauche suivit d'un bruit de cage bousculée. Un kneazle hystérique se jettait sans cesse sur les barreaux de sa cage, crachant et râlant, ses oreilles félines plaquées sur sa nuque, sa gigantesque queue de lion hérissée.

"Ne vous en fait pas...J'ai la garde de ce Kneazle très mal élevé par ses maîtres. Il a attaqué trois moldus il y a de cela un mois. Les propriétaires de la bête se sont vu confisquer leur permis et leur animal..."

Le félin semblait affamé mais parut reconnaître Gaspard qui s'approcha d'une grande cuve de pierre remplie de neige dans laquelle s'étalaient quelques morceaux de viande. De ses mains sales et poisseuses, le professeur saisi à pleine main un morceau congelé qu'il réchauffa d'un coup de baguette magique. Quelques gouttes de sang frais tombèrent sur le sol et le Kneazle commença à sautiller dans tous les sens. Le professeur s'approcha de la cage mais ne dit rien, il resta immobile jusqu'à ce que l'animal se calme et s'assit sagement sur son arrière-train. Le félin semblait devoir faire un effort colossal pour se tenir correctement, puis le professeur entra dans la cage, sans crainte, où il alla déposer le petit-déjeuner du Kneazle dans une grande gamelle.

"Voilà qui est fait !" Dit Gaspard en ressortant de la cage d'acier. "La licorne se situe tout au fond des box..."

Ils longèrent le long bâtiment dans lequel quelques créatures dormaient, dont le fameux roucouleux, et quelques autres étranges espèces. Une pièce était plus éloignée des autres. Il s'agissait d'un grand box au murs de chaux dont le sol était entièrement recouvert de paille confortable et fraiche. De longue taches de sang s'épanchaient cependant sur le sol d'or et une licorne était allongée par terre. Le bel animal respirait fort et semblait agité. L'une de ses pattes paraissait brisée et du placenta frais s'échappait de son corps.
Le professeur s'approcha de la jambe et versa un étrange produit dont il disposait en grande quantité dans le box.

"C'est un anesthésiant." Dit-il. "Comme vous devez le savoir, une patte cassée n'est pas réparable pour un cheval, malgré toutes les potions dont nous disposons...Surtout lorsqu'il s'agit d'une licorne, et encore plus s'il elle est sur le point de mettre bas... "

Gaspard marmonna quelques incantations. La licorne semblait à bout de force alors qu'un jeune poulain ne demandait qu'à voir la lumière du jour.

"Allez-y..."

Phoebe suivit le professeur Newell jusqu’aux boxes, bouillonnant d’excitation. Elle n’en revenait toujours pas qu’une chance pareille ait pu lui tomber dessus, comme cela. Elle ne remercierait jamais assez son père pour lui avoir enseigné le goût de la musique. Sans lui, elle n’en serait pas là aujourd’hui.
La Poufsouffle cligna des yeux lorsque le jeune homme à ses côtés ouvrit la porte des étables, ses yeux tout justes habitués à la lumière se retrouvant de nouveaux plongés dans l’obscurité. Cependant, elle entendit la voix de son professeur et lui suivit, sa main se promenant sur son étui à flûte. Les grognements du Kneazle la firent tourner la tête, quelque peu surprise. Dans les ténèbres, elle réussit cependant à discerner la cage de métal contre laquelle se jetait l’énorme félin. Si elle ne prit pas peur, elle s’inquiéta tout de même de la solidité des barreaux. Tant que la bête ne se comporterait pas mieux, elle resterait un danger envers les autres – et elle-même. Aussitôt que le professeur lui eut expliqué les origines du Kneazle, mille questions se précipitèrent dans son esprit. Qui avait été ses propriétaires ? L’avaient-ils mal éduqué intentionnellement ou non ? Si oui, dans quel but ? Et si non, pourquoi prendre la peine d’avoir une créature magique si l’on ne s’en occupait pas ? Mais elle ne les posa pas au professeur, sachant que cela serait indiscret. Et puis, elle ne le connaissait pas ; il ne lui dirait sans doute rien.
Calmement, elle l’observa nourrir la bête, souriant légèrement lorsqu’elle vit les muscles du Kneazle se durcir sous la difficulté qu’il éprouvait à rester tranquille. Lorsque le professeur Newell eut terminé, elle se remit à le suivre dans les étables, jetant un coup d’œil rapide aux Roucouleux qui s’éveillaient tout juste. Il faudrait qu’elle se souvienne de revenir plus tard, histoire les observer...
Et puis, elle y était. Le box de la licorne pleine. En entrant, Phe’ sentit l’odeur de la paille fraîche lui chatouiller les narines, et plissa les yeux. L’odeur de la paille avait toujours eu un effet euphorisant sur elle. Peut-être parce qu’elle aimait monter à cheval ? Sûrement. C’est alors qu’elle vit les traces de sang sur le sol. Ses pupilles se dilatèrent, et elle jeta un coup d’œil inquiet au professer qui anesthésiait la pauvre bête.
Une patte cassée. A cette nouvelle, les yeux de Phe’ s’emplirent de larmes. Pauvre créature, comment allait-elle faire ? Comme elle devrait souffrir... C’était terrible, que l’on soit capable de guérir la jambe cassée d’un sorcier en un clin d’œil, mais pas celle d’un être aussi pur et innocent qu’une licorne. Quelle injustice...
La voix de M. Newell la ramena à la réalité, et elle acquiesça d’un « bien ». Sans aucune crainte, elle s’assit sur une botte de foin à proximité de la licorne, et sortit sa flûte argentée. Elle porta le bel instrument à ses lèvres, et se mit à jouer. Elle avait choisit un morceau que son père lui jouait souvent, petite, pour l’aider à s’endormir après un mauvais rêve. C’était un morceau simple mais beau comme le sont ces choses fondamentales à notre bien-être, et elle le connaissait par cœur. Les notes fluides et légères glissaient hors de sa flûte comme une source d’eau claire, et elle prenait autant plaisir à jouer que ceux qui l’entouraient à l’écouter...

Comme le professeur l'avait prévu, la mélodie de Phoebe apaisa nettement l'animal. Gaspard n'eut plus besoin de se battre contre ses violents accès d'humeurs. Il avait déjà prit un sabot de cheval dans la cage thoracique quelques années auparavant, sans parler de la griffure de l'hyppogriffe qui marquait son dos. Il lui était toujours arrivé les pires aventures car le jeune homme excellait à se mettre dans les situations les plus difficiles. Plus la cause d'un animal était perdu, plus le jeune Newell s'attachait à vouloir le guérir ce qui lui valait en général des ciactrices monumentales et mémorables. Mais jamais une des ces mésaventures ne l'avait détourné de son métier qu'il aimait tant. C'était pour lui une vocation avant tout dont il ne perdrait jamais le goût.

L'atèle qui maintenait tant bien que mal la patte de la licorne ne paraissait pas très efficace et Gaspard la renforca avec quelques épaisses ceintures de cuirs qu'il envoya s'enrouler d'elles-même autour de la patte de la jument tout en versant une nouvelle dose d'anesthésiant sur la profonde blessure. Le sang de la licorne, argenté, avait cessé de coulé mais la fracture était toujours là et Gaspard vidait sa cinquième bouteille quand un grand hibou entra difficilement dans les box, manquant de peu de s'écraser sur la tête de Phoebe. Il portait une grosse bouteille du même produit. Le professeur l'attrapa et donna une noix au hibou qui repartit immédiatement.

"C'est le professeur Silvus qui me les envoie..." Dit-il. Gaspard se tut, ne voulant pas troubler sa jeune élève qui jouait si joliement.

La licorne semblait suer toutes les gouttes de son corps. Dans un effort hors du commun, l'animal aida son poulain à sortir en contractant son ventre de plus belle tandis que la mélodieuse musique jouait à ses oreilles.
Gaspard pria pour que Phoebe ne s'évanouisse pas à la vue de tout ce sang. Deux petits sabots semblèrent percer la couche de placenta puis la licorne mit bas plus facilement. Tout se passa rapidement, et le petit poulain naquit dans le box, accompagné d'un air de flûte tandis que la licorne relevait la tête pour le voir, le toucher, le lécher. Ce ne serait pas mince affaire pour un cheval à la patte cassée.
Gaspard s'éloigna tout de même pour ne pas brusquer ce moment intense puis s'approcha de son élève pour regarder la scène, sa baguette tachée de sang dans sa main droite.

Phe’ ne voyait rien, rien d’autre que la jument qui contractait et relâchait ses muscles, tentant de laisser sortir son poulain. Elle ne voyait pas le professeur Newell qui renforçait l’attelle de la pauvre bête, ni l’hibou qui apportait une nouvelle bouteille d’anesthésiant. Non, pour la jolie rouquine, en cet instant précis il n’y avait qu’elle, sa flûte et la jument. Elle s’était enfermée dans une bulle de musique, une bulle qu’elle seule pourrait casser, lorsqu’elle le désirerait. Mais pour l’instant, elle vivait un instant... Magique.
Muarf, magique ce n’était pas le bon mot. Inoubliable, merveilleux, captivant. Et encore, ces mots ne décrivaient qu’une infime partie de ce que ressentait la jeune Caulfield en cet instant précis. Qu’importe le nombre d’années qui passerait, elle se souviendrait toujours de ce beau matin de Février, où elle avait assisté à la naissance d’un poulain de licorne. Ce genre de chose, cela vous reste toute la vie. Rien ne peut effacer ce sentiment d’être parfaitement à sa place dans l’univers ; rien. Assister à la naissance d’un être pareil, ce n’est pas donné au premier venu.
Et c’était pour cela que Phe’ hésitait entre une carrière d’avocate, et celle de magizoologiste. Mais en cet instant précis, tout doute avait disparu : elle suivrait des études de Soins aux Créatures Magiques, qu’importe le prix ou le temps qu’il lui faudrait pour parvenir à ses fins. Pour pouvoir revivre un tel instant, elle serait prête à marcher jusqu’au bout du monde. Elle descendrait des rapides sur une planche de surf, elle se fraierait un passage dans la jungle amazonienne avec un couteau à beurre, elle traversera le désert entourée de Doxy, elle volerait jusqu’en haut du Fujisan à dos d’Hippogriffe. Qu’importe, elle ferait n’importe quoi. Parce que cela en valait réellement la peine.

Lorsqu’elle vit sortir les petites pattes dorées du poulain encore maculées de sang, Phe’ ne s’arrêta pas. Elle n’était pas le genre de fille à s’évanouir pour un rien. En effet, malgré son apparence frêle, elle était robuste et ne perdait pas facilement la tête. Et puis, l’émotion de voir naître un petit de licorne surpassait de loin toutes les autres piètres émotions que l’on pouvait ressentir. C’est pourquoi elle ne pâlit même pas, mais entonna à la place une autre mélodie, plus joyeuse cette fois, et qui faisait penser aux gazouillements des oiseaux pendant les premiers jours de printemps.
Soudain, elle sentit le professeur à sa droite, et leva des yeux brillants pour voir comment il se portait.

La mélodie avait cessait, la licorne s'occupait tant qu'elle pouvait de son petit, mais le professeur craignait pour sa vie. L'animal avait perdu beaucoup de sang et il était peu probable qu'elle se remette d'une telle fracture. En réalité la blessure en elle même était réparable, mais l'os serait resté fragile et la jument n'aurait pu courir comme avant au risque de se refracturer la patte. Il aurait fallu la confiner dans un box où elle aurait été enfermée et malheureuse.
Gaspard ne savait pas trop quoi faire et hésitait encore sur la décision qu'il devait prendre. La licorne pourrait s'occuper de son petit quelques jours, mais voudrait ensuite se mettre debout et galoper, ce qui lui serait fatal. Au bout de quelques instants, le professeur sortit de ses pensées.

"Excusez-moi Phoebe, j'étais en train de chercher une solution... Il est impossible que la licorne se remette d'une telle fracture, je ne sais pas trop quoi faire." Il se gratta le menton d'un air absent, une légère barbe de trois jours commençait à faire son apparition. "Quoiqu'il en soit, vous m'avez rendu la tâche plus facile ! J'accorde 25 points à Poufsouffle pour votre sang-froid et votre patience."

Gaspard admira la scène. Le jeune poulain était bientôt sec, révélant une robe grisonnante comme toutes les petites licornes à la naissance.

"Vous pourrez venir prendre des nouvelles de la petite...Je pense que je serai obligé de la nourrir moi même d'ici quelques jours, et, si vous êtes à l'aise avec les animaux..."

La licorne allait mourir de toute façon, le professeur le savait et ne pouvait rien faire de mieux que d'anesthésier la douleur et de la garder en vie le plus longtemps possible pour sa progéniture. Entre le Kneazle domestique, l'hyppogriffe malade, la licorne orpheline, Gaspard avait du pain sur la planche et n'était pas contre un coup de main de la part des élèves les plus assidus.

HJ => Jt'ai fait une petite rép pendant ma pause...

Les petits doigts de Phe’ laissèrent tomber les dernières notes de sa mélodie dans le silence prodigieux qui suivait toujours une naissance. Elle retira ses lèvres de la flûte, et la rangea dans son étui, prenant bien garde à ne pas effaroucher la jument et son poulain. Ses gestes étaient aussi lents et gracieux que si elle avait été en train de danser. En effet, elle retenait d’une poigne de fer la joie qui menaçait de déborder de son petit corps tremblant d’émotion. Elle faillit laisser s’échapper son étui des mains et produire ainsi un léger claquement contre le sol qui lui aurait semblé assourdissant ; bienheureusement, il n’en fut rien car elle le rattrapa avant qu’il ne chute. Elle le posa ensuite délicatement contre la botte de foin sur laquelle elle était assise et se retourna de nouveau vers son professeur, juste à temps pour l’entendre annoncer les vingt-cinq points accordés à Poufsouffle.
Vingt-cinq points ? Mais c’était magnifique, cela ! Avec ces quelques points, sa maison se mettait en tête, dépassant pour la première fois depuis longtemps les Gryffondors et les Serpentards. Hah, ce n’était pas trop tôt. Depuis le temps qu’ils faisaient de l’ombre à sa maison, ces deux ennemis jurés ! Non pas qu’elle ait quelque chose contre la maison de son cousin, ou encore celle de la petite amie de ce dernier, mais tout de même, ils n’étaient pas seuls… A les voir, on aurait cru qu’ils possédaient tout deux le château, sans aucune considération pour Serdaigle et Poufsouffle. Et pourtant… C’était ces deux maisons qui faisaient tourner l’école, puisqu’il semblait que leurs camarades soient trop occupés à se chamailler pour une ancestrale querelle sans queue ni tête. Qu’importe si Godric Gryffondor et Salazar Serpentard s’étaient-ils détestés ? Etait-ce une raison pour que leurs descendants indirects en fasse de même ? Je ne suis pas sûre que oui. Cette symbolique bataille du « bien » contre le « mal » était beaucoup trop simplifiée. Y a-t-il réellement quelque chose qui soit complètement bon ou mauvais ? Et si oui, cela ne dépendra-t-il tout de même pas des opinions personnelles de chaque individu ?
De plus, qu’importait-il si le fameux Harry Potter avait été de Gryffondor, et son terrible adversaire de Serpentard ? Le Mage Noir était mort, ses mangemorts en fuite et l’homme à la cicatrice était triomphant. Basta. On n’allait pas se disputer là-dessus pendant encore mille ans. Mais bref. Tout ça pour dire : Poufsouffle gagnera !

Merci professeur!chuchota-t-elle, ses yeux pétillants de joie. En effet, son amour du silence l'empêchait d'élever la voix.

Et puis, la proposition. Revenir voir la petite licorne, c’était ce qu’elle voulait le plus au monde, en cet instant. Elle aurait été incapable de quitter les étables tout en sachant qu’à l’intérieur s’y cachait une créature aussi fantastique qu’elle ne pourrait plus jamais revoir. Peut-être le professeur Newell l’avait-il compris ? En tout les cas, son offre était la bienvenue. Ce fut donc avec chaleur qu’elle s’empressa d’accepter :

« Oh professeur, ce serait magnifique ! J’adorerais vous aider… »

Gaspard sourit, se félicitant d'avoir ainsi attendrie le coeur de son élèves. Peut-être avait-il fait naître une vocation, mais pour l'instant, il n'en savait rien. Il contempla un instant la scène des petits pas incertains du jeune poulain qui chutait souvent sur la paille fraiche. La licorne faisait tout son possible même si ses mouvements étaient réduits. Sa vie ne tenait qu'à un fil et il fallait à tout prix que son petit marche avant qu'elle quitte ce monde. Le professeur regarda son élève, aussi gracieuse qu'une hirondelle en un moment pareil, son silence et sa délicatesse prouvait qu'elle se sentait réellement impliquée dans cette situation périeuse.

"Je dois aller chercher quelques potions et médicaments, vous pouvez rester ici si vous voulez veiller sur notre nouvelle venue. Il va falloir d'ailleurs qu'on lui trouve un nom."

Le professeur sortit du boxe sur ces paroles mystérieuses et retira ses gants en peau de dragon qu'il jeta sur le côté. Le Kneazle suivit des yeux le jeune homme qui passa devant sa cage pour se rendre dans la réserve. Il fallait qu'il y prenne de nombreux médicaments et anti-douleur pour rendre l'épreuve de l'animal plus supportable. La mélodie de la flûte avait enchanté cet instant, et l'avait surtout rendu moins pénible.
Phoebe se retrouvait seule avec la licorne tandis que le professeur était parti en quête de soins.

Phe’ acquiesça vivement, ses cheveux ondulés sautant partout, suivant le rythme de sa tête. Elle regarda le professeur partir, mais inconsciemment se rivèrent à nouveau sur la jument et sa poulaine. Cette dernière cherchait maintenant à se mettre sur pattes, sa tête démesurément grande déséquilibrent totalement ses fines jambes grisonnantes. En vérité, Phe’ était assez surprise de voir que le nouveau-né avait une robe couleur souris. Dans son livre, Newt Scamander n’en avait jamais parlé. Elle avait toujours assumé que les licornes naissaient dorées, et retenaient cette couleur jusqu’à la fin de leur croissance. Mais bon. C’était toujours utile d’apprendre que l’on s’est trompé quelque part : comme cela, on ne refait plus la faute. Phe’ rangea donc cette information dans un de ces petits tiroirs imaginaires dans lesquels elle stockait toute les informations qu’elle recevait.

Si cette façon de procéder en surprenait certains, c’était parce que leurs affaires à eux étaient toujours en vrac. Or lorsqu’on rentrait dans sa chambre, c’était le choc : impeccable. Aussi excentrique soit-elle, Phoebe Aubra était une maniaque du rangement – aux dépends de son pauvre de cousin qui la voyait souvent le jeter hors de sa chambre pour y faire un brin de ménage. Enfin, elle ne le jetait pas dehors. Mais elle le houspillait plutôt jusqu’à ce qu’il parte. Quitte à attendre devant la porte pendant toute une journée. Muarf, que de souvenirs.

Alors qu’elle se remémorait ses après-midis passés à astiquer la cuisine – pour un prix, bien entendu – Phe’ se rendit soudain compte qu’il y avait quelqu’un à côté d’elle. Elle tourna le visage, et vit que ce quelqu’un était en vérité un quelque chose à la robe grise et aux grands yeux miroitants. La respiration de la Poufsouffle sembla s’arrêter lorsqu’elle croisa le regard de la petite licorne. La créature était si frêle, si pure et innocente... Inconsciemment, elle étendit la main pour sentir les poils de la bête, mais s’arrêta à temps. Si elle l’imprégnait de son odeur, la licorne reconnaîtrait-elle encore son petit ? Mais la licorne allait bientôt mourir, le professeur Newell l’avait prédit... A cette idée, les yeux de Phe’ s’emplirent de larmes, qui commencèrent à rouler le long de ses joues. C’est alors qu’elle sentit un souffle chaud sur son visage ; relevant les yeux du sol, elle vit que la licorne la reniflait avec curiosité. Ses yeux brillants d’amour et de joie de vivre vinrent à nouveau se fixer dans ceux de Phe’, qui à cet instant était bleu pervenche, symbole de son ahurissement extrême. Mais la chaleur émanant des naseaux de la pouliche la ramenèrent à elle, et la jeune rouquine passa doucement sa main sur le velours qui terminait la tête de la licorne.

« Athèna... »Murmura-t-elle, oubliant un instant que la créature ne lui appartenait pas.

HJ : Vlà =)

Gaspard entra dans sa réserve, une salle sombre et sans fenêtre au fond du couloir des box. On y comptait quatre rangées d'étagères encore propres sur lesquelles s'entassaient de nombreuses potions et ingrédients extrèmement important à la fabrication de certains médicaments. Il attrapa sa baguette magique, cherchant quelque chose en particulier.

"Accio Fleur de bois..."

Un pot de bois bouché par un gros morceau de liège arriva dans ses mains. Il était lourd et silencieux, comme si son contenu n'existait pas. Oui c'était ça. C'était encore un de ces phénomènes magiques inexpliqués de Poudlard pour qui n'est pas sorcier. Gaspard attrapa deux autres fioles étranges comprenant des liquides très différents. L'un semblait un brouillard vert et l'autre une eau cristalline dans laquelle flottaient des milliers de petits points rouges. Il prit aussi une grosse bouteille de cristal vide et revint vers les box, les bras très chargés.

Phoebe semblait caresser la jeune pouliche et Gaspard s'interrrogea soudainement sur lef ait que le nouveu-né s'intéresse plus à la jeune Poufsouffle qu'à sa mère. Il pressa le pas et s'approcha de la licorne auprès de laquelle il disposa tout ce qu'il avait ramené de la réserve.

Elle ne respirait plus.

La vie s'était brutalement éteinte et l'animal semblait immobile, figé. On aurait presque pu croire qu'elle dormait. Mais les licornes ne dorment pas allongées sur le sol. Il s'approcha de sa protégé, gardant son sang froid. Il avait aperçut au passage les larmes de la petite Phoebe mais s'était abstenu de tout commentaire. S'il se souvenait bien de ses études post-BeauBâtons, il avait lui aussi été confronté à de rudes épreuves qui l'avaient aguerries. Aujourd'hui, il pouvait faire face à beaucoup plus de choses qu'à l'époque.

Avec des gestes lents et précautionneux, il rempli la bouteille vide du sang de la licorne. Il le fallait. C'était son métier après tout, que de récolter le fruit de ses protégés. Il poussa ses médicaments qui ne lui étaient plus d'aucune utilité.

"Allons préparer un biberon..." Dit-il simplement pour éviter de chambouler encore plus la jeune élève.

Toute à son admiration de la petite licorne, Phe’ n’avait pas vu le jeune professeur de Soins aux Créatures Magiques s’approcher. En vérité, elle ne s’aperçut de sa présence que lorsqu’il se pencha sur la licorne blessée, des médicaments pleins les bras. A ce moment là, ses yeux croisèrent ceux du jeune homme aux cheveux charbon, et elle comprit. Dans le corps encore chaud du bel équidé blanc, la vie s’était envolée. Le sang argenté ne coursait plus dans ses veines, son cœur pur et innocent ne battait plus. Elle était belle et bien morte, laissant son nouveau-né derrière elle.
Une autre de Phoebe aurait sans doute fondu en larmes. Mais c’était une des nombreuses particularités de Phe’, da savoir contrôler ses pleurs. Le peu de larmes qui coulaient, il y a quelques secondes encore, sur ses joues rosies, furent rapidement séchées. Phe’ jeta un dernier regard à la pouliche, comprenant soudain son intérêt pour elle. Sa mère morte, elle s’était attachée à l’être vivant le plus proche. Elle venait en quelque sorte de se faire « adopter »
#Muarf. Est-ce que j’ai l’air d’avoir une corne au milieu de la tête, moi ?#
Chut Phe’. Sa mère vient de mourir. Laisse la tranquille.
#J’dis juste que j’ai rien d’une licorne...#
C’est un animal magnifique. Tu devrais être contente qu’elle t’ait choisie comme deuxième mère.
#Han la classe ! J’suis une maman licorne ! Quand j’vais dire ça à Jam’...#
Soupir.

Après ce passionnant discours intérieur, la flûtiste secoua sa tête, chassant ses pensées. Pour l’instant, elle devait aider le professeur Newell. Ce dernier cherchait par ailleurs à lui communiquer la mort de la licorne le plus doucement possible. Quel tact ; un vrai gentleman. La Caulfield acquiesça, lui faisant ainsi comprendre qu’elle savait. Puis elle se leva, prenant aussi sa flûte, et suivit le professeur. Elle aperçut soudain la bouteille de sang que tenait le jeune homme, mais ne dit mot. Ce n’était pas comme s’il avait volontairement cherché à tuer la créature. Non, il avait fait tout son possible pour la sauver. Ce n’était pas sa place de la juger. Pourtant, une question lui brûlait les lèvres.

« Professeur, quand à Athé... la licorne, allez vous la gardez enfermer ou la relâcher dès la fin de la croissance ? »

Oui, cette question était importante pour Phe’. Parce que si d’un côté, la petite licorne passait toute sa vie comme animal domestique, elle serait sûrement malheureuse. Qui pourrait enfermer un tel animal ? Ce serait trop cruel. Et pourtant... Durant toute sa croissance, la petite s’habituerait à la présence des sorciers. Ne serait-elle pas incapable de survivre seule, dans la Forêt Interdite ? Ou peut-être serait-elle au contraire pleine de ressources. Dans tout les cas, la Poufsouffle – qui était curieuse de tout – souhaitait le savoir, et connaître les raisons du professeur.

» You talk, you talk a good game. [Thomas. W, suite.